Le nouveau franc a marqué des générations de français, tant par son bouleversement dans la valeur des marchandises achetées tous les jours que dans la préparation à une Europe telle que nous la vivons en ce moment. Qui n'a jamais entendu parlé d'anciens francs ? « T'as pas cent balles ? » Pour parler d' un franc, ou d'une brique pour 10 000 francs ou d'un million d'anciens francs. A l'arrivée du nouveau franc, nos aïeuls faisaient la conversion pour se rendre compte de la valeur des choses ; tout comme nous avons encore aujourd'hui le même réflexe pour l'euro face au nouveau franc «disparu».
Quel est le contexte historique ?
Le nouveau franc succède au franc Bonaparte, crée en 1803. La guerre de 1914 en avait fait un jeton, puis devenu le franc quatre sous, avant que dix-sept remaniements successifs avec la guerre et l'occupation, l'aient amenuisé jusqu'à ne plus valoir qu'environ un-demi centime. Le Franc baptisé “Pinay” ou “de Gaulle” lors de sa création a marqué l’histoire de la Vème République. Pour comprendre la volonté du gouvernement de l'époque, il faut se plonger dans la situation politique du moment. Nous sommes en 1958: après avoir été président du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), du 3 juin 1944 au 20 janvier 1946, le Général De Gaulle revient au pouvoir en mai 1958 à la demande du Président Coty en tant que président du Conseil de la IVème République. Les enjeux sont de taille. Le déficit budgétaire de l'Etat est alarmant et la guerre d'Algérie engagée depuis 1954 a entraîné la chute de la IVème République le 4 octobre 1958.
Pourquoi une telle mesure ?
L'objectif principal du gouvernement est de renforcer la devise affaiblie par l'inflation et par les conflits en Indochine et en Algérie. Le nouveau chef de l’État souhaite remplacer «l’ancien Franc», miné depuis la Libération par plusieurs dévaluations par «un franc lourd» ou «nouveau franc». Ce nouveau franc permettra une meilleure maîtrise du budget de l'Etat, tout en accédant à la rénovation économique et financière de la France. Le Général De Gaulle veut, en parallèle, s'atteler à moderniser la France pour la préparer à son intégration économique dans la future Communauté européenne tel que définie dans le traité de Rome de 1957.
Pour mener à bien son programme, il ambitionne des mesures économiques drastiques pour équilibrer les comptes de l'Etat en imaginant une réforme financière; tout en freinant la croissance de la consommation pour favoriser l'investissement. Cette réforme est d'autant plus urgente que la France ne peut se permettre d'avoir une monnaie faible face à l'Allemagne à la veille du marché commun.
Le Général De Gaulle fait alors appel à deux hommes pour recevoir des propositions: son ministre des finances Antoine Pinay et l'économiste Jacques Rueff. Le plan Pinay-Rueff de plus de 20 pages est rendu public le 8 décembre 1958 et Le 27 décembre 1958: ce dernier sera adopté par Le Conseil des ministres. Ce plan présente une réduction des dépenses budgétaires, la suppression des indexations à exception du SMIG, la dévaluation du franc de 15 % et la création d'un « nouveau franc » : 1 nouveau franc valant 100 anciens francs.
Le passage au nouveau franc... Comment ?
Au 1er janvier 1960, tous les moyens de paiement devront être libellés en nouveau franc. La monnaie fiduciaire: billets, pièces, mais aussi tout autre moyen de paiement: chéquiers, factures, timbres, comptes bancaires, mandats,.... Cela sous-entend une organisation sans faille pour qu'aucun des montants en nouveaux francs ne soient oubliés, engendrant une valeur 100 fois supérieure. En ce qui concerne les pièces et pour symboliser une volonté de retour à la stabilité monétaire, on choisit de frapper le nouveau franc à l'effigie de la Semeuse d'avant 1914; gravure créée en 1897 par Oscar Roty pour la IIIe République. Volonté de modernité, les pièces seront à la fois plus petites par leur format et seront pour la première fois frappées en acier inoxydable pour les pièces de 1, 2 et 5 centimes et en cupro-nickel pour les 1 et 5 francs.
Une pièce d'argent du même type est réintroduite dans la circulation : c'est la pièce de 5 francs. Cette même pièce sera fabriquée en cupro-nickel à partir de 1970. Les anciennes monnaies continuent à circuler pour une valeur égale au centième de leur valeur faciale en attendant d'être progressivement remplacées par de nouveaux modèles.
La stabilité monétaire reste la priorité du gouvernement: une pièce de 10 francs en argent fut frappée en 1964. Cette pièce, prisée par les collectionneurs de par son faible monnayage, reprit la trame de la 5 francs. Cette pièce reprend en effet le motif de la pièce frappée par la Convention.
Les pièces de 1 et 5 centimes sont habillées d'un épi de blé. Les pièces de 10, 20 et 50 centimes sont, pour leur part, ornées de la nouvelle « Marianne ». Le ½ franc Semeuse sera mis en circulation à partir de 1964.
Concernant les billets, la Banque de France émet, dès la mi-juillet 1959, des coupures dont la valeur en ancien franc est « surchargée » de la valeur en nouveaux francs, cela dans l'optique de s'adapter à la nouvelle unité monétaire. Le billet de 500 NF Molière est le seul billet émis uniquement en nouveaux francs. Les billets de 500 francs Victor Hugo, 1000 francs Richelieu, 5000 francs Henri IV et 10000 francs Bonaparte seront pour leur part surchargés en rouge de leur valeur en nouveaux francs puis deviendront respectivement, à partir de 1960, le 5 nouveaux francs, 10 nouveaux francs, 50 nouveaux francs et 100 nouveaux francs.
Comment cela se concrétise-t-il pour les français au quotidien ?
Le "nouveau franc" ou "franc lourd" est mis en circulation le 1er janvier 1960. L'ancien franc est divisé par 100. Ainsi 500 anciens francs deviennent 5 Nouveaux Francs. Il est par la même défini par 180 mg d'or fin contre 290 pour son prédécesseur. Au passage du nouveau franc, les français ont vraiment eu le sentiment de s'appauvrir. Rappelons que les salaires ont été divisés par 100. D'après Alain Delale et Gilles Ragache dans le 1er chapitre de leur ouvrage "la France de 1968, soyons réalistes , demandons l'impossible ", aux Editions du Seuil, paru en 1978 : 75 % des ouvriers touchaient entre 500 et 1200 F, contre 50 000 à 120 000 anciens francs. Il a fallut s'habituer aux nouveaux francs; Le plein d'essence à 40 francs, le kilo de pain à 60 centimes, … un petit clin d'oeil à notre récente expérience avec l'euro : la conversion à l'ancien franc reste de mise lors de toute dépense de forte somme. Mon grand père René ne perdra son habitude de parler en ancien franc qu'a l'occasion du passage à l'euro en 2002. Le lien : http://www.insee.fr/fr/themes/calcul-pouvoir-achat.asp vous donnera un aperçu du pouvoir d'achat en fonction de l'année. Selon ce convertisseur, le pouvoir d’achat de 1 000 nouveaux Francs gagnés en 1960 équivaut à environ 1.500 € en 2014.
Selon une citation d'Antoine Pinay en parlant de "franc lourd" : « Il s'agit d'une métaphore sportive, celle des "poids lourds" de la boxe » : le franc pourra désormais faire bonne figure aux côtés du franc suisse ou du mark allemand.
Le Nouveau Franc: succès ou échec?
La politique menée par le Général De Gaulle fut couronnée de succès. La balance des paiements fut rétablie et l'inflation enrayée. La Banque de France reconstitua par la même occasion ses réserves d'or. Les années soixante sont marquées par ce que l'on a appelé : «les 30 glorieuses». La consommation des ménages est augmentée d'un tiers en 1964. Le réseau autoroutier se développe tout comme les supermarchés. Pour la petite histoire: il y avait la touche NF sur les machines à calculer.
Signalons que M. Pinay démissionna du gouvernement quelques jours après la mise en circulation du nouveau franc; Ce dernier désapprouvant la politique du gouvernement.
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